Elfe : 18 000 enfants suivis sur 20 ans

Le Mardi 16 mai 2017

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Crédits : Arnaud Bouissou/Terra

Les enfants sont-ils exposés dès la naissance à certains polluants ? Comment réagissent-ils au contexte social et émotionnel dans lequel ils évoluent ? Leur alimentation influence-t-elle leur santé et leur bien-être ? C’est l’objet de l’étude de la cohorte Elfe, lancée en 2011, qui analyse le développement physique, cognitif et social de 18 329 enfants, de leur naissance à l’âge de 20 ans. Les enfants ont 6 ans aujourd’hui et plusieurs enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés, notamment sur l’exposition à certains polluants dès le plus jeune âge.

Détecter des facteurs de susceptibilité dès la naissance ou les premières années de vie : diabète, maladies cardiovasculaires...

La cohorte Elfe est née de la coopération entre deux instituts de recherche, l’Institut national des études démographiques (Ined) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et porte sur trois projets de recherche : environnement, santé et sciences sociales. Grâce au recueil de nombreuses données pluridisciplinaires sur les enfants, la cohorte Elfe ambitionne d’améliorer la connaissance et de dégager des conclusions pour limiter l’effet de certains facteurs interférant avec le développement et qui peuvent altérer la santé ultérieurement. 

Marie-Aline Charles, médecin épidémiologiste à l’Inserm et directrice du projet 

« On s’aperçoit par exemple qu’un trop gros poids à la naissance peut constituer un risque d’obésité à l’adolescence ou encore qu’une exposition à certains polluants, même à faible dose, peut déclencher bien plus tard un diabète ou une diminution de la fertilité. On cherche aussi à comprendre l’origine des certaines maladies de l’enfant, comme l’asthme, les allergies, les pubertés précoces...  »

À la rencontre des familles

Les mères ont été sollicitées au hasard, dans 320 maternités en France métropolitaine, pour participer à la cohorte. Les volontaires ont passé des tests à la maternité – prise de sang, échantillons d’urine, recueil de cheveux, relève de sang du cordon ombilical – et ont répondu à un questionnaire détaillé. Par la suite, des contacts directs avec les familles ont été noués à différents âges de l’enfant et des questionnaires ont été envoyés ou réalisés par téléphone à intervalles réguliers par des enquêteurs formés, À 3 ans et demi, une visite chez la famille a permis de se faire une nouvelle idée de l’environnement familial de l’enfant et de prélever des échantillons de poussière pour analyser les polluants éventuels de l’air intérieur. Enfin des contacts avec les écoles et le milieu médical (notamment les PMI) permettent de recueillir régulièrement des informations en dehors de cercle familial.

Premiers résultats : pesticides et bisphénol A

Après 5 ans plusieurs constatations peuvent être relevées. Sur le plan environnemental, les chercheurs ont analysé les échantillons relevés sur les femmes enceintes. Ils ont observé une présence en diminution de certains polluants dans l’organisme comme le plomb ou le mercure qui font l’objet de politiques publiques d’interdiction ; en revanche, une présence est observée de nouveaux polluants issus des pesticides, du bisphénol A, des phtalates. L’alimentation semble jouer un rôle important dans la présence de ces polluants et notamment les contenants alimentaires.

Des inégalités sociales dés la naissance

Sur le plan psychosocial, les inégalités sociales s’observent dès les tout premiers moments de la vie de l’enfant, et pas seulement à partir de la scolarisation. La précarisation joue un rôle important dans cette inégalité, notamment quand les femmes se retrouvent seules avec leur(s) enfant(s).

Sur le plan comportemental, les familles d’origine immigrée adoptent, dès la seconde génération, les mêmes comportements que les familles françaises de parents français en ce qui concerne l’allaitement avec un moindre taux d’initiation de l’allaitement et une durée plus courte que les familles dont les mères sont nées à l’étranger.

Cette approche pluridisciplinaire permet de ne pas se cantonner à un seul aspect, par exemple la santé, mais d’observer l’évolution de l’enfant dans sa globalité.

De nombreux thèmes de recherche

De ces observations et données découlent des groupes de recherche sur des thématiques ciblées : l’alimentation comme source de pollution ; les expositions professionnelles, par exemple lorsque les parents de ces enfants travaillent dans le domaine des cosmétiques (donc potentiellement exposés aux perturbateurs endocriniens) ; le rôle du père et de la mère dans la socialisation ; les déterminants de la diversification alimentaire…

Ces enfants continueront à être suivis jusqu’à l’âge de 20 ans, ce qui permettra de recueillir des informations au long cours et peut-être de comprendre certains déterminants intervenant dès la grossesse et la petite enfance dans l’origine des maladies de l’adulte.

 

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