Les polluants de l’air : situation, impacts et encadrement

Le Vendredi 13 octobre 2023

La qualité de l'air peut être modifiée par des polluants qui peuvent être d’origine naturelle ou d’origine anthropique, c’est-à-dire liés à l’activité humaine. La pollution de l’air a des effets significatifs sur la santé et l’environnement, qui engendrent des coûts importants pour la société.

Les polluants de l'air

Des émissions aux concentrations

Les phénomènes naturels comme les éruptions volcaniques, les brumes de sable, les incendies de forêts, etc. et les activités humaines comme les industries, les transports, l’agriculture, le chauffage résidentiel, etc. sont à l’origine d’émissions de gaz et de particules dans l’atmosphère.

Une fois émises dans l’air, ces substances sont transportées sous l’effet des vents, de la pluie, des gradients de température dans l’atmosphère. Elles pourront également subir des transformations par réactions chimiques, qui dépendent des conditions météorologiques. Il en résulte l’apparition d’autres polluants et un transfert des polluants pouvant aller jusqu'à des milliers de kilomètres de la source d’émission.

On distingue ainsi :

  • les polluants dits primaires, qui sont émis directement : monoxyde d’azote, dioxyde de soufre, monoxyde de carbone, poussières, métaux lourds, composés organiques volatils, hydrocarbures aromatiques polycycliques ;
  • les polluants dits secondaires, issus de transformations physico-chimiques de gaz sous l’effet de conditions météorologiques particulières : ozone, dioxyde d’azote, certaines particules, etc.

Ces gaz et particules ont des conséquences néfastes :

  • sur la santé humaine : maladies cardiovasculaires, cancers, troubles respiratoires etc. ;
  • sur l’environnement : dégradation des bâtiments, baisse des rendements agricoles (blé par exemple).

Leurs effets sont à moyen et long termes, en lien avec une exposition chronique à la pollution dite de fond, ou à court terme, en lien avec une exposition de courte durée à des concentrations élevées pendant les épisodes de pollution.

Pic ou épisode de pollution

On définit un pic ou un épisode de pollution par une quantité trop élevée d’un ou de plusieurs polluants dans l’air, qui peuvent présenter un risque à court terme pour la santé et l’environnement. Ils dépassent alors les seuils réglementaires journaliers ou horaires.

Un épisode de pollution peut être dû :

  • aux conditions météorologiques : 
    • dans les situations stables où il y a peu ou pas de vent (conditions propices à l’accumulation de polluants et aux transformations chimiques de leurs composants) ;
    • lorsque l’air froid plaque les polluants à proximité du sol en période hivernale (pics particules et oxydes d’azote) ;
    • lorsqu’il fait chaud et ensoleillé en période estivale (conditions propices à la formation d’ozone et de particules fines secondaires) ;
  • à l’apport massif d’une pollution sous l’effet du vent ;
  • à l’augmentation saisonnière des émissions de polluants en lien avec certaines activités : agricoles (ammoniac), chauffage domestique, etc.

Les épisodes de pollution aux particules ont généralement lieu : 

  • en hiver : à cette époque, les émissions du secteur résidentiel (particules issues de l’utilisation du bois pour le chauffage) sont importantes et les conditions météorologiques peuvent être très stables ;
  • autour des mois de février, mars et avril : les épandages agricoles d’engrais émettent de l’ammoniac dans l’air. Ce gaz se combine ensuite avec les polluants issus du trafic routier pour former des particules de nitrate d’ammonium. De plus, à cette époque, les conditions météorologiques peuvent être favorables à la formation de ce composé (températures froides le matin et douces l’après-midi).

Ces émissions viennent s’ajouter aux émissions chroniques des activités industrielles et du trafic routier, d’où des pics de pollution aux particules à ces deux périodes de l’année.

En cas de survenue d’un épisode de pollution atmosphérique, l’Agence régionale de santé (ARS) émet des recommandations sanitaires aux personnes vulnérables, sensibles et à la population générale basées sur l’arrêté du 13 mars 2018 relatif aux recommandations sanitaires en vue de prévenir les effets de la pollution de l’air sur la santé.

Les impacts de la pollution atmosphérique

Sur la santé

La qualité de l’air est un enjeu majeur pour la santé et l'environnement. En France, le coût de la pollution atmosphérique est évalué de 70 à 100 milliards d’euros par an par la Commission d’enquête du Sénat (rapport remis en 2015). Sur la période 2016-2019, Santé publique France estime que chaque année près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM2,5). 

Les impacts sanitaires des polluants atmosphériques sont classés en deux groupes :

  • les effets immédiats (après une exposition de courte durée) : manifestations cliniques, fonctionnelles ou biologiques qui surviennent dans des délais rapides suite aux variations journalières des niveaux ambiants de pollution atmosphérique. Cela peut se manifester par des irritations oculaires ou des voies respiratoires, des crises d’asthme, une exacerbation de troubles cardio-vasculaires et respiratoires pouvant conduire à une hospitalisation, et dans les cas les plus graves au décès ;
  • les effets à long terme (après des expositions répétées ou continues tout au long de la vie) : les polluants de l’air favorisent la poursuite et/ou l’accroissement d’événements de santé, induisent une surmortalité et une baisse de l’espérance de vie. Ils peuvent contribuer au développement ou à l’aggravation de maladies chroniques telles que : cancers, pathologies cardiovasculaires et respiratoires, troubles neurologiques, troubles du développement, etc.

C’est l’exposition chronique à la pollution de l’air qui conduit aux effets et donc aux impacts les plus importants sur la santé.

La pollution de l’air a des impacts particulièrement importants sur les personnes vulnérables ou sensibles comme les enfants, les personnes âgées, les fumeurs, les malades du cœur ou des poumons ou encore les personnes asthmatiques.

Sur l'environnement

La pollution de l’air peut avoir des impacts sur l’environnement :

  • le bâti : la pollution de l’air a de nombreux effets sur les matériaux, tels la perte de masse des calcaires exposés à la pluie, la perte de transparence du verre à la teneur de l’air en suies, en SO2 et en NO2, la perte superficielle des vitraux anciens en potassium et calcium à l’humidité relative de l’air et à sa teneur en SO2 et NO2 ;
  • l’agriculture qui se trouve à la fois impactant et affectée par la pollution de l’air, notamment au niveau de la production et qualité des produits ;
  • les écosystèmes : de fortes concentrations de certains polluants peuvent conduire à des nécroses visibles sur les plantes et entraîner une réduction de la croissance des plantes. Elle peut également contribuer aux phénomènes de pluies acides qui, en liaison avec d’autres facteurs (sécheresse, parasites, etc.) entraînent le dépérissement des forêts et la dégradation des sols. Des études mettent en avant le phénomène d’eutrophisation lié à la pollution de l’air extérieur, notamment via l’impact sur les écosystèmes de l’excès de dépôt d’azote.

Cadre international et européen de réduction de la pollution de l’air

Le droit européen fixe des objectifs de réduction en émission pour les polluants atmosphériques, en cohérence avec les plafonds fixés au niveau international. Il fixe aussi des valeurs limites en concentration pour certains polluants dans l’air à partir d’études épidémiologiques conduites notamment par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

En France, la qualité de l’air au cours des 20 dernières années s’est améliorée, cependant certaines valeurs limites ne sont pas respectées dans plusieurs zones de surveillance. La France est actuellement visée par trois procédures contentieuses : deux au niveau européen et une au niveau national pour la teneur en particules (PM10) et en dioxyde d’azote (NO2).

Normes européennes pour les concentrations de certains polluants

Au niveau européen, deux directives (UE) 2004/107 et (UE) 2008/50 fixent les objectifs de qualité de l’air en concentration concernant plusieurs polluants. Cela se traduit par l’obligation :

  • de surveiller la qualité de l’air ;
  • d’informer les populations sur la qualité de l’air ;
  • de respecter les objectifs fixés ;
  • de mettre en œuvre des plans d’action dans les zones pour lesquelles des dépassements des objectifs sont observés afin qu’elles soient respectées dans les délais les plus courts.

Ces textes sont transposés en droit français par l’article R 221-1 du code de l’environnement et par l’arrêté du 19 avril 2017 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l’air ambiant.

La Commission a publié le 26 octobre 2022 un nouveau projet législatif incluant sa proposition de directive révisée en matière de qualité de l’air ambiant fusionnant les deux directives (UE) 2004/107 et (UE)° 2008/50. Dans ce projet, la Commission propose d’augmenter l’ambition par rapport aux valeurs limites actuelles, avec :

  • l’abaissement de la valeur limite annuelle de particules fines PM10 à 25 µg/m3 (le seuil actuel est de 40 µg/m3) ;
  • l’abaissement de la valeur limite annuelle de particules fines PM2,5 à 10 µg/m3 (le seuil actuel est de 20 µg/m3) ;
  • l’abaissement de la valeur limite annuelle de dioxyde d’azote (NO2) à 25 µg/m3 (au lieu de 40 µg/m3 actuellement).

Pour ces polluants, la Commission propose ainsi de viser l’avant dernier jalon fixé par l’OMS pour 2030, puis de s’aligner sur les valeurs guides de l’OMS au plus tard en 2050. 

Objectifs internationaux et européens de réduction des émissions de certains polluants

Au niveau international, des plafonds d’émissions pour certains polluants sont fixés dans le cadre du protocole de Göteborg (Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance - CLRTAP), dans le cadre de la convention de Genève. Ce protocole a été révisé en 2012 et fixe des objectifs de réduction des émissions de certains polluants à horizon 2020, par rapport aux émissions de 2005.

Au niveau européen, la directive (EU) 2016/2284 du 16 décembre 2016 fixe des objectifs de réduction des émissions de polluants par rapport aux émissions de 2005 pour les horizons 2020 et 2030, en intégrant les objectifs du protocole de Göteborg.

Ces objectifs se traduisent par l’obligation de mettre en place :

  • un système d’inventaires nationaux d’émissions de polluants atmosphériques ;
  • un plan d’action national de réduction des émissions de polluants atmosphériques.

Objectifs de réduction fixés pour la France (exprimés en % par rapport à 2005)

  À horizon 2020 À horizon 2030
SO2 -55 % -77 %
NOx -50 % -69 %
COVNM -43 % -52 %
NH3 -4 % -13 %
PM2,5 -27 % -57 %

Législations sectorielles européennes pour la qualité de l'air

De nombreuses directives et règlements concernent notamment la réduction des émissions de polluants issus :

  • des transports (routiers, non routiers, maritimes, etc.)  en réglementant la qualité des carburants et combustibles, ou les émissions liées aux moteurs ;
  • des activités industrielles (directive IED, BREF, installations de combustions, etc.) ;
  • de certains appareils domestiques : écoconception des chaudières et des appareils de chauffage individuels ;
  • de l’utilisation de certains produits (directive sur l’utilisation des solvants pour réduire les émissions de COV).

Contentieux 

La France est actuellement visée par trois procédures contentieuses : deux contentieux communautaires relatifs au non-respect des objectifs fixés au sein de la directive (EU) 2008/50 pour le dioxyde d’azote (NO2) d’une part et les particules (PM10) d’autre part, un contentieux national concernant le non-respect des valeurs limites issues de la directive (EU) 2008/50 pour le dioxyde d’azote et les particules (PM10). 

Contentieux communautaires

Au niveau européen, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a prononcé un arrêt en manquement à l’encontre de la France le 24 octobre 2019 pour dépassement des limites relatives au dioxyde d’azote dans 12 zones de surveillance. Il s’agit des zones à risque d’agglomération (ZAG) : Clermont Ferrand, Toulon, Nice, Montpellier, Grenoble, Strasbourg, Toulouse, Marseille-Aix, Lyon, Paris, et des zones à risques hors agglomération (ZAG) : Reims, Vallée-de l’Arve. Le 3 décembre 2020, considérant que les mesures mises en place ne sont pas suffisantes, la Commission européenne a mis la France en demeure pour non-exécution de l’arrêt. 

Au cours de l’année 2021, la Commission européenne a également saisi la CJUE pour la persistance des dépassements des valeurs limites de particules PM10 en Ile-de-France et en Martinique, aboutissant à un arrêt de la CJUE du 28 avril 2022 pour non-respect des obligations de la directive sur la qualité de l’air ambiant entre 2005 et 2019 sur la zone à risque agglomération (ZAG) de Paris et entre 2005 et 2016 sur la zone à risque hors agglomération (ZAR) de Fort de France.

Contentieux national

Au niveau national, le Conseil d’État a prononcé le 10 juillet 2020 une astreinte à l’encontre de l’État, s’il ne justifie pas avoir, dans les six mois, exécuté la décision du Conseil d’État du 12 juillet 2017 afin de ramener les niveaux de concentration de NO2 et PM10 sous les valeurs limites dans 8 zones. 

Le 4 août 2021, le Conseil d'État a estimé que les mesures mises en place ne permettent pas d’améliorer la situation dans le délai le plus court possible. Le Conseil d’État a ainsi condamné l’État à payer l’astreinte de 10 millions d’euros pour le premier semestre de l’année 2021 à l’association Les Amis de la Terre qui l’avait initialement saisi, ainsi qu’à plusieurs organismes (Ademe, Cerema, Ineris, Anses) et associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air (AASQA). Par la suite, le Conseil d’État, après évaluation des actions mises en œuvre par le Gouvernement au cours du second semestre de l’année 2021 jusqu’au deuxième semestre de l’année 2022, s’est prononcé le 17 octobre 2022 en faveur du versement d’une nouvelle astreinte à hauteur de 20 millions d’euros à destination des mêmes bénéficiaires. 

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