Les autoroutes de la mer

Le Mercredi 22 février 2017

Les autoroutes de la mer sont des services maritimes pour l’acheminement de poids-lourds et remorques, accompagnées ou non de leur chauffeur. Elles proposent, entre deux ports, un service régulier à horaire fixe, à la fois rapide et fiable, pour un prix attractif par rapport à son équivalent par la route. Ce service de transport est principalement dédié au transport international de fret au sein de l’Union Européenne et avec les pays tiers.

Les autoroutes de la mer : définition, généralités

Les autoroutes de la mer peuvent consister en des liaisons maritimes existantes dont la performance est améliorée ou en des liaisons nouvelles.

L’organisation des ports concernés est adaptée, notamment pour faciliter l’accès au service. Par exemple, cela peut nécessiter la création de nouveaux quais pour faciliter le chargement ou le déchargement des poids-lourds, voire la création d’un terminal dédié pour augmenter la capacité d’accueil.

Le concept d’autoroutes de la mer est apparu pour la première fois en 2001 dans le livre blanc de la Commission européenne sur la politique des transports à l’horizon 2010. Puis, les autoroutes de la mer ont été intégrées à la politique européenne de transport en 2004 (article 12 bis du règlement sur le réseau transeuropéen de transport).

Elles se sont développées dans 4 régions :

  • Mer du Nord – Scandinavie – mer Baltique ;
  • Façade atlantique – Manche – mer d’Irlande – mer du Nord ;
  • Mer méditerranée occidentale ;
  • Mer méditerranée orientale – mer Ionienne – mer Adriatique.

De par sa position géographique, au vu d’objectifs politiques communs et forte d’une collaboration établie de longue date, la France participe à diverses initiatives de coopération et de développement d’autoroutes de la mer entre les côtes françaises et l’Espagne, le Portugal, l’Italie, les rives sud et nord de la Méditerranée, ainsi qu’en Manche et Mer du Nord.

Les acteurs des autoroutes de la mer

Politique européenne

Les autoroutes de la mer constituent la dimension maritime du Réseau Trans-Européen de Transport (RTE-T). Elles se composent de routes maritimes courte distance, de ports et des infrastructures et équipements maritimes associés, y compris les connexions multimodales avec l’arrière-pays, d’installations ainsi que de formalités administratives simplifiées permettant le transport maritime intracommunautaire de marchandises.

Les autoroutes de la mer doivent :

  • contribuer à la réalisation d'un espace européen du transport maritime sans barrières et à la mise en œuvre de la stratégie européenne pour le transport maritime 2018 ;
  • assurer l’articulation des corridors de transport du réseau transeuropéen ;
  • faciliter le transport de fret maritime avec les pays tiers et les régions ultrapériphériques.

Elles répondent à l’objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre (CO2).

Le concept d’autoroutes de la mer se fonde sur l’objectif européen de parvenir à un système de transport propre, sûr et efficace. Le maillon maritime ainsi mis en œuvre doit constituer une véritable alternative au mode routier, parfaitement intégrée à la chaine de transport porte-à-porte, pour favoriser la résorption des goulets d’étranglement du réseau transeuropéen.

Le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE) permet de financer les projets d’autoroutes de la mer répondant aux priorités de la politique du réseau transeuropéen de transport. Ce réseau transeuropéen se structure autour de neuf corridors de transport et de priorités horizontales, telles que les autoroutes de la mer.

Politique nationale

La France s’est inscrite de longue date dans la politique communautaire sur le transport maritime. Elle a développé de nombreuses coopérations avec ses voisins européens tels que l’Espagne, le Portugal, l’Italie, ou le Royaume Uni. Cette dynamique communautaire, aujourd’hui réaffirmée à travers la dimension maritime du Réseau Trans-Européen de Transport (RTE-T), conforte la France dans ses diverses initiatives (groupes de travail, commission intergouvernementale, projets d’infrastructures et de services maritimes).

L’équilibre financier et la pérennité des autoroutes de la mer restent fragiles, en particulier face à la concurrence du tout routier, des exigences environnementales croissantes, un contexte économique contraint et un marché du fret globalisé.

C’est pourquoi les politiques publiques évoluent pour s’adapter et rechercher des solutions nouvelles, technologiques et financières, de soutien au transport maritime de courte distance.

À ce titre, la France et l’Espagne sont associées, aux côtés de l’Italie et du Portugal, pour étudier la faisabilité d’une incitation aux chargeurs recourant aux autoroutes de la mer (projet Med Atlantic Ecobonus bénéficiant d’un cofinancement communautaire). L’étude s’appuie en particulier sur l’expérience italienne mise en œuvre entre 2007 et 2010. Cette coopération doit permettre de faire évoluer les outils en faveur des services d’autoroutes de la mer en Europe. La France pilote la conception du dispositif : spécifications technique, environnementale, économique et financière, réglementaire, opérationnelle, technologique. Sont également prévues une évaluation des impacts et une analyse des modalités de mise en œuvre. Une consultation élargie aux parties prenantes permettra d’approfondir la pertinence du projet de mécanisme d’incitation à l’échelle européenne, notamment en consolidant ou créant de nouveaux partenariats.

Les opérateurs des autoroutes de la mer

Le service est assuré par des opérateurs privés qui fixent librement leurs tarifs. Ceux-ci doivent trouver l’équilibre entre la couverture de leurs coûts d’exploitation (amortissement ou location du navire, carburants, frais portuaires, personnels) et des tarifs suffisamment attractifs par rapport au coût d’un transport équivalent par la route pour ainsi inciter au report modal.

L’enjeu de la compétitivité des autoroutes de la mer repose sur la performance de l’ensemble des maillons de la chaîne de transport. Elle est à rechercher dans celle des navires (vitesse et capacité), mais aussi des ports qui doivent être parties prenantes du service pour faciliter les opérations de chargement et de déchargement (via des installations, terminaux et/ou équipements portuaires adaptés), de la simplification et l’accélération des formalités portuaires et douanières, et de la mise en place d’une organisation assortie d’une tarification adaptée au service.

Dans le cas de projets d’initiative publique, c'est-à-dire soutenu financièrement par la puissance publique, une convention d’exploitation est établie, à l’issue d’une mise en concurrence, entre l’opérateur du service et les Etats concernés par la liaison maritime. Cette convention fixe les obligations de chacune des parties, notamment en matière de qualité de service.

Les autoroutes de la mer ne sont pas aujourd’hui considérées comme un service d’intérêt économique général. En effet, ce statut admis pour les transports de passagers n’est pas partagé au niveau de l’Union européenne pour le transport de marchandises.

Le Bureau français de Promotion du Short Sea Shipping (BP2S) appartient au réseau communautaire de bureaux de promotion European Short Sea Network (ESN) et réunit divers acteurs du transport et de la logistique pour échanger leurs expériences et réfléchir aux potentialités du transport maritime à courte distance.

Les objectifs des autoroutes de la mer

Objectifs environnementaux

Le développement des autoroutes de la mer s’inscrit dans les objectifs de la politique de transition énergétique du Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer.

Le report d’une partie du trafic de fret routier vers des services maritimes de courte distance est un axe du développement durable, catalyseur de la transition énergétique, au même titre que l’écologisation de tous les modes de transport, l’éco-innovation, et les changements de comportements (citoyens et entreprises). A terme, l’objectif de report modal entre la France et l’Espagne est d’environ 100 000 poids-lourds par an.

Concrètement, ce report modal, associé à l’amélioration des carburants et des performances énergétiques des navires, permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants marins. A cet égard la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 aout 2015, ainsi que les exigences de la Convention MARPOL et de la Directive 1999/32/CE en termes de limites d’émissions de souffre et de particules, et de qualité des combustibles marins, ont permis une prise de conscience de l’ensemble des parties prenantes. De plus, les travaux de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) et la réglementation européenne relative à la surveillance, la déclaration et la vérification des émissions de CO2 des gros navires dans les ports européens adoptée en 2015 a pour objectif de lutter contre le changement climatique.

Objectifs sociaux, économiques et logistiques

Outre l’aspect environnemental, la diminution du trafic de poids-lourds contribue également à l’amélioration de la sécurité routière, en réduisant le risque et la sévérité des accidents. Ceci se traduit en bénéfices sociaux (moins de tués et de blessés sur les routes) et économiques (réduction des coûts de maintenance des infrastructures, coûts des accidents et assurances). Cette politique de report modal contribue donc à l’amélioration des conditions de circulation ainsi qu’à une baisse des nuisances générées sur les grands axes routiers, en particulier dans les Alpes et les Pyrénées.

Les bénéfices socio-économiques et financiers réalisés sont fonction du taux de remplissage des navires et de la fréquence du service. La performance et la fiabilité des autoroutes de la mer sont dès lors essentielles pour gagner la confiance des usagers, garantir la pérennité du service, et ainsi contribuer à l’efficience de toute la chaîne logistique.

Exemples d’autoroutes de la mer et autres liaisons maritimes courte distance

L’expérience acquise et une coopération ancrée dans la durée se traduisent par des actions collaboratives déterminantes et multiples.

Autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne

La France a conclu avec l’Espagne un accord intergouvernemental pour développer des services maritimes courte distance sur la façade atlantique afin de soulager les zones sensibles et les grands axes routiers transpyrénéens. Cet accord est mis en œuvre par une Commission intergouvernementale (CIG) franco-espagnole.

A la suite d’appels à projet binationaux, deux propositions de ligne ont été retenues et ont bénéficiées d’aides publiques : l’une entre le port de Nantes-Saint-Nazaire et celui de Gijón; l’autre entre le port de Nantes-Saint-Nazaire et celui de Vigo.

La liaison Nantes-Saint-Nazaire - Gijón, après une première exploitation de 4 ans de septembre 2010 à septembre 2014, a été suspendue faute d’avoir pu atteindre l’équilibre économique à l’issue de l’aide au démarrage des États français et espagnol et du soutien communautaire concomitant. Cette liaison a obtenu une nouvelle subvention européenne pour des travaux d’aménagements portuaires et de mise à niveau du navire. Le versement de cette nouvelle subvention est conditionné à la reprise du service avant la fin 2017.

Le service entre les ports de Nantes-Saint-Nazaire et Vigo, avec une éventuelle extension vers les ports du Havre et d’Algésiras, s’appuie sur une ligne maritime existante et bénéficie pour son renforcement d’un soutien communautaire au titre du Programme Marco Polo, en complément de l’aide des États français et espagnol. Pour ce faire, les Etats ont signé une convention d’exploitation d’une durée de sept ans avec la société opératrice du service. L’autoroute de la mer, avec une fréquence de 3 services hebdomadaires, a été lancée officiellement le 27 novembre 2015.

Autoroutes de la mer entre la France et le Portugal

Les ports de Brest, Liverpool et Leixoes, en collaboration avec les autorités locales concernées, travaillent à la mise en place d’une autoroute de la mer. Ils ont obtenu un cofinancement communautaire pour un projet visant à favoriser l’émergence de nouveaux services entre les trois ports à l’horizon 2018.

Un service reliant Dunkerque et les principales régions de production du Portugal via Lisbonne, Sétubal et Leixoes, a été lancé en avril 2013. L’opérateur, après avoir doublé la fréquence de son service, réfléchit désormais à la possibilité d’étendre son offre vers la Suède ou la Finlande au départ de Dunkerque.

Autoroutes de la mer en Méditerranée

De nombreux services issus d’initiatives privées existent entre l’Italie et l’Espagne permettant un report modal significatif sur cet itinéraire. Les lignes Civitavecchia-Barcelone et Livourne-Valence sont les plus fréquentées avec un trafic annuel en croissance constante. En revanche, la liaison mixte fret-passagers entre Toulon et Civitavecchia s’est arrêtée en mai 2009 sous l’effet de la crise économique. Et la liaison Gênes-Marseille contribuant à désengorger la traversée alpine s’est avérée de trop courte distance pour être suffisamment attractive.

Désormais, la France, l’Espagne, le Portugal et l’Italie travaillent à la définition d’un dispositif de soutien à la demande basé sur l’expérience de l’Ecobonus italien.

Une liaison, exploitée sans subvention publique, propose depuis 2010 un service de transport de remorques non accompagnées entre Toulon et Istanbul.

Projets de coopération entre les rives sud et nord de la Méditerranée

En 2009, le programme Meda-Mos a permis la sélection de plusieurs projets d’autoroutes de la mer, donc cinq impliquant des ports français : Marseille et Port-Vendres via des liaisons avec la Tunisie (Radès), le Maroc (Agadir), l’Algérie (Bejaia et Djen-Djen), et la Syrie (Tarous). Ce programme a été interrompu, mais le plan d’action transport pour la région méditerranéenne 2014-2020 confirme le rôle essentiel des autoroutes de la mer et encourage leur mise en place.

Ainsi, les autorités portuaires de Radès et de Marseille, avec les autorités douanières, compagnies maritimes et opérateurs portuaires concernés, ont signé en juillet 2010 un accord de coopération. Le Grand Port Maritime de Marseille a également signé un accord avec le Maroc à l’été 2014 en vue de développer une ligne de fret roulier avec le nouveau port Tanger Med.

Enfin, un nouveau projet de soutien à l’établissement d’autoroutes de la mer entre les ports du sud-est (à Chypre, au Liban, en Égypte, en Turquie) et du nord-ouest méditerranéen (en Italie, en Espagne, en France avec les ports de Marseille, Toulon et Sète) via un hub basé en Sardaigne, a été présenté pour labellisation à l’Union pour la Méditerranée.

Autoroutes de la mer dans la région de la mer du Nord, de la Manche et de la mer Baltique

Les ports de Boulogne et Calais étudient depuis 2013 la possibilité d’établir une autoroute de la mer avec le port de Brévik en Norvège. Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé début 2016 en vue d’identifier des opérateurs intéressés. Mais la multiplicité des flux et la compétition portuaire au sein du bassin scandinave rendent l’émergence de nouveaux services difficile.

La Manche, la mer du Nord et la mer Baltique faisant partie de la zone SECA (Sulfure Emissions Control Area) des investissements importants d’adaptation des navires (scrubbers) et d’installation d’équipements dans les ports (stations GNL) sont requis afin de se conformer aux exigences de la Directive 1999/32/CE et de la Convention MARPOL. Ils bénéficient pour ce faire d’importants cofinancements communautaires dans le cadre de la politique du réseau transeuropéen de transport.

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