Discours - Allocution d'Elibabeth Borne au Congrès de la FNTR

Le Mardi 16 octobre 2018

Congrès de la FNTR - Allocution de Madame Elisabeth Borne, ministre chargée des Transports - Mardi 16 octobre 2018

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Merci à vous, de m’avoir invitée à l’occasion de votre congrès annuel. C’est un rendez-vous attendu des professionnels des transports et de la logistique. C’est aussi l’occasion, pour moi, d’échanger avec vous sur les enjeux actuels de votre secteur dont j’ai l’honneur et la fierté d’être en charge, parce que je considère que c’est un secteur essentiel pour notre économie.

Cette année, vous avez choisi de placer votre congrès sous la thématique des « nouveaux souffles ». Ce faisant, vous donnez à voir une profession qui s’inscrit dans le mouvement, dans les « souffles nouveaux » ; une profession dont je mesure la richesse et la diversité, ô combien stratégique pour l’économie de notre pays. Ces « nouveaux souffles » sont multiples : économiques, sociétaux, managériaux, environnementaux… . Ce sont autant de défis  pour préparer les transports et la logistique de demain.

Les défis que vous rencontrez sont nombreux, je ne vais pas les évoquer tous ici. Je voudrais en retenir 4.

Le premier des défis est celui de la transition écologique et énergétique.
Je veux saluer l’engagement résolu de votre profession dans cette transition, en faveur de transports routiers toujours plus propres, dans un contexte où les émissions de CO2 du secteur continuent à croître, et où les enjeux de qualité de l’air restent prégnants.

Un haut niveau de performance environnementale du transport routier est une responsabilité citoyenne ; c’est aussi, dès aujourd’hui, un avantage concurrentiel pour vos entreprises !

L’urgence climatique n’est plus à démontrer. L’amélioration de la qualité de l’air, pas seulement dans nos villes, est un enjeu de santé publique majeure.

[Programme EVE]

C’est pourquoi l’État et l’Ademe se tiennent à vos côtés pour vous accompagner dans cette transformation majeure de votre secteur ; une transformation bien entamée, mais une transformation qui doit se poursuivre et s’accélérer.

Nombre d’entre vous ont déjà pris part à la démarche Objectif CO2 que nous avons construite ensemble, fédérations professionnelles et pouvoirs publics. Forte des résultats enregistrés depuis sa création, elle est aujourd’hui unanimement reconnue pour ses effets de réduction de l’empreinte environnementale du transport routier. Je voudrais saluer à cette occasion devant vous la qualité du travail réalisé par l’AFT, qui, aux côtés de l’Etat, a porté avec succès ce dispositif sur le terrain, à la rencontre de vos entreprises.

J’avais annoncé lors de votre précédent congrès, à l’automne dernier, la volonté du Gouvernement de reconduire un nouveau programme EVE pour la période 2018-2020.

Notre intention était d’associer plus largement, et aussi plus étroitement, les différents acteurs de la chaîne du transport et de la logistique – les transporteurs, mais aussi les commissionnaires et les chargeurs.
Pour ce faire, les organisations professionnelles de votre secteur se sont regroupées et, ensemble, vous avez proposé, aux côtés de l’ADEME, d’assurer le portage du dispositif. Je m’en réjouis tout particulièrement.   

La convention est maintenant prête. Il vous reste à vous en saisir.

[GNV]

En terme de transition, la promotion des énergies alternatives -GNV, électricité, hydrogène - constitue un axe fort de la politique gouvernementale. Afin d’encourager le remplacement des véhicules thermiques par des véhicules plus propres, je veux vous confirmer 2 engagements importants :
·    le taux de la TICPE appliqué au GNV a été gelé à sa valeur de 2017 et ce jusqu’en 2022 ;
·    Et si vous ne l’avez pas encore trouvé dans le PLF, il y sera, le suramortissement pour l’achat d’un véhicule lourd au gaz naturel sera prolongé jusqu’en 2021, il sera renforcé pour les PL de moins de 12 tonnes et élargi aux PL à l’électricité et à l’hydrogène. Et je précise que nous  avons lancé vendredi dernier à un appel à manifestation d’intérêt sur l’hydrogène et tous les types de mobilité sont concernés. Donc des financements existent.

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Le deuxième défi que je voudrais évoquer avec vous, c’est celui du financement des infrastructures.

[Financement des infrastructures]

Vous le savez, le Gouvernement a fait, depuis plus d’un an, de l’amélioration de la qualité des transports du quotidien sa priorité, au service de toutes les mobilités, dont bien sûr la route.

La qualité de nos routes répond à un enjeu vital, non seulement pour l’équilibre des territoires mais aussi pour l’ensemble de ses utilisateurs ; et pour vous en particulier qui les pratiquez au quotidien.
Cependant notre réseau se dégrade et a besoin d’investissements. C’est pourquoi dès 2017, le gouvernement a pris 3 premières décisions :
-    augmenter, dès 2018, de 100 M€ par an les crédits consacrés à l’entretien des routes nationales non concédées,
-    demander au Conseil d’orientation des infrastructures de hiérarchiser nos priorités et les grands projets à réaliser,
-    et enfin lancer des audits sur l’état des réseaux pour connaître la vérité sur les besoins de régénération.

Au-delà de ces premières mesures, il faut des décisions durables. C’est le sens des grands équilibres de la programmation des infrastructures que j’ai présentés en septembre et qui seront soumis à l’approbation du Parlement. Ce projet permet de répondre aux besoins, et en premier lieu d’augmenter l’entretien des routes nationales et de nos ouvrages d’art pour arriver au niveau qui permet d’assurer leur bon état. Il permet aussi d’accélérer les travaux d’aménagement des routes pour desservir les territoires enclavés.
Mais vous le savez : il faut des ressources supplémentaires pour tenir ces objectifs. En 2019, la question à en-tête traitée par redéploiement au sein du budget de l’Etat. Mais il faut une ressource nouvelle à hauteur de 500 M€, à partir de 2020. Mais il faut être clair : il n’y a pas ces ressources, alors nous aurons à faire d’autres choix et il faudra revoir certaines ambitions.

Les décisions sur ce sujet ne sont pas arrêtées. Quel format pour cette ressource ? Quelles mesures d’accompagnement ? Nous travaillons pour 2020, nous nous donnerons les temps de consulter largement.

Sachez qu’à ce stade, les modalités de mise en œuvre  ne sont pas arrêtées, toutes les options sont sur la table et rien ne sera décidé sans une consultation préalable. Je viens d’écrire dans ce sens à tous les acteurs concernés pour les convier à un échange sur le sujet au cours dès les prochains jours.

Je n’ai qu’une certitude : nous devons investir pour nos infrastructures, qui sont votre outil de travail. Nous devons trouver les ressources pour le faire : nous y travaillerons ensemble.

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Le troisième défi que je veux aborder avec vous, c’est celui de la concurrence, de toutes les concurrences.

[Paquet mobilité]

Le renforcement continu de la concurrence, dans le cadre du marché intérieur, est un second défi majeur pour votre secteur. La concurrence n’est pas un mal en soi, au contraire, et on mesure chaque jour un peu plus, en plein Brexit, l’importance de se situer au sein du marché intérieur.

Cette concurrence doit toutefois être saine et loyale, avec  des règles claires et contrôlables, une répression puissante des fraudes et une réelle prise en compte des conditions de vie et de travail des chauffeurs routiers.

Vous le savez, l’engagement du gouvernement est total pour défendre ces principes dans le cadre des difficiles négociations sur le paquet mobilité. Ces négociations ont été relancées à la rentrée par la présidence autrichienne du Conseil et nous venons d’entrer dans une phase décisive  du processus d’adoption -ou de rejet !- au Conseil. De son côté, le Parlement européen rencontre également des difficultés pour adopter sa position. Nous avons en tout état de cause raison de prendre du temps : ces textes vont structurer votre secteur pour les années à venir.

La France est pleinement engagée, et je m’en félicite, aux côtés de ses partenaires de l’Alliance du routier pour défendre un modèle permettant de lutter contre la fraude et le dumping social.

La mise en place de contrôles plus efficaces et mieux coordonnés entre les Etats-membres est indispensable pour garantir une application effective et harmonisée des règles européennes.
Les moyens de contrôle doivent être plus opérationnels avec une charge administrative moindre grâce à la dématérialisation des documents de transport et à la digitalisation que permettra le tachygraphe de 2e génération. Cet outil doit faciliter les contrôles du cabotage et du détachement.

S’agissant du cabotage proprement dit, avec les pays de l’Alliance du routier, je défends depuis le départ le principe de l’application des règles du détachement dès la 1ère heure et l’introduction d’une période de carence entre 2 périodes de cabotage. Cette dernière proposition a été reprise par la présidence autrichienne. Le retour obligatoire du camion dans son pays d’origine, et non pas seulement du conducteur, constitue également une piste sur laquelle nous travaillons au Conseil. Il s’agit de rompre ces cycles ininterrompus d’opérations internationales et d’opérations de cabotage réalisées par des véhicules durablement éloignés de leur base, en contradiction avec les principes mêmes de l’établissement.

Comme vous le savez, la France se bat aussi pour une application la plus large possible du détachement. La réglementation ne doit pas avoir pour effet de soustraire les travailleurs à un droit social plus favorable.

La possibilité de parvenir à un accord au conseil Transports de décembre reste incertaine. Après des mois de stagnation voire de recul, le processus de négociation semble repartir de l’avant. Vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement, sur mon engagement, pour rechercher un accord équilibré qui apporte une véritable plus-value et soit porteur de sens pour vos métiers et pour l’Europe ! J’ai toujours indiqué et vous confirme que nous préférons ne pas avoir d’accord plutôt que d’endosser un mauvais accord. Je continuerai à m’y investir énergiquement, avec l’Alliance du routier, en échangeant également avec l’ensemble des Etats membres (je rencontrais mon homologue tchèque la semaine dernière et au sein des pays de l’Est les positions évoluent), parce que je crois en cette vision de l’Europe qui protège.

[Brexit]

La concurrence, c’est aussi le sujet du marché européen, et donc celui du Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 29 mars prochain nous met en face d’une situation inédite : je comprends les inquiétudes qu’elle suscite.

Je peux vous assurer que tous les ministères  travaillent  sur l’ensemble des scénarios envisageables, y compris l’absence d’accord, pour permettre la meilleure fluidité des échanges transfrontaliers dans l’après 29 mars. Un projet de loi habilitant le gouvernement à procéder par voie d’ordonnances a été déposé sur le bureau du Sénat.
Des échanges réguliers ont lieu à ce sujet entre les services de mon Ministère et les fédérations professionnelles dont la vôtre. Nous travaillons également étroitement sur le fonctionnement du tunnel sous la Manche, en lien avec la Commission européenne.

En cas de sortie sèche du Royaume-Uni, sans accord de transition, des procédures douanières, qui demandent encore à être définies, seront rétablies. Ces procédures sont largement dématérialisées et effectuées en amont du franchissement des frontières. Il faut néanmoins anticiper, nous préparer, reconstruire des compétences en la matière. Les services des douanes ont déployé des moyens en régions pour vous accompagner dans cette préparation. Je vous invite à saisir ces opportunités d’accompagnement proposées par les douanes aux entreprises.

De même, le ministère de l’agriculture prépare toutes les éventualités afin de permettre des contrôles phytosanitaires et vétérinaires aussi adaptés que possible à la situation. Je sais combien ces contrôles sont sources d’inquiétudes pour vous.

Comme l’a indiqué le Premier ministre la semaine dernière, à ma demande notamment, un coordinateur interministériel a été nommé, Vincent POURQUERY DE BOISSERIN. Il a notamment en charge d’être le relais entre les administrations centrales et les services déconcentrés, précisément sur les flux, de personnes et des marchandises. N’hésitez pas à le saisir.
Tout ne pourra pas, du jour au lendemain, se dérouler comme si rien ne s’était passé, mais nous nous préparons à ce que cela soit le moins pénalisant pour nous et vous tous.

[Transport léger - Rapport Pichereau]

La concurrence, enfin, c’est celle entre le transport routier et les VUL. Je voudrais y revenir quelques instants. Le député Damien PICHEREAU, a formulé des propositions d’évolution de la régulation de cette activité.

Ses recommandations relatives à l’encadrement européen du transport par le moyen des VUL s’inscrivent pleinement dans la ligne que je porte dans le cadre des négociations en cours sur le paquet mobilité :

  • harmonisation au niveau européen des règles d’accès à la profession pour les véhicules de transport routier de marchandises. De ce point de vue, l’adoption du paquet mobilité constituerait également une avancée ;
  • extension de la réglementation sociale européenne au transport par VUL opérant pour compte d’autrui : ce point rejoint une prise de position de nombre de députés européens... Le député Pichereau a également porté une proposition de résolution européenne de l’Assemblée nationale en ce sens.

La responsabilisation des plateformes d’intermédiation numérique dans le transport routier de marchandises a fait l’objet d’une attention toute particulière du député. Le projet de loi d’orientation des mobilités reprend cette proposition du rapport. Sans freiner le développement d’une économie numérique qui représente autant d’opportunités pour vos entreprises, nous devons construire ensemble un encadrement adéquat. Il s’agit de limiter les risques de concurrence déloyale liés à l’essor de ces nouveaux acteurs économiques. Le Gouvernement va solliciter une habilitation à légiférer par ordonnance. Ce chantier va s’ouvrir prochainement avec vous et l’ensemble des parties prenantes.

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Le quatrième et dernier défi, enfin, que je veux évoquer avec vous, c’est celui de l’emploi.

[TREMPLIN et Protocole d’accord octobre 2017]

Nous le savons, les conditions sociales d’exercice des métiers constituent un enjeu déterminant pour leur attractivité et leur avenir. Ce constat est d’autant plus vrai dans votre branche que celle-ci connaît des difficultés de recrutement, j’en suis pleinement consciente.
Pourtant, les métiers que vous proposez sont d’une grande diversité, évoluent rapidement et offrent des possibilités de parcours professionnels variés, notamment pour les jeunes.

Les initiatives en faveur de la promotion de l’offre de métiers et de carrières que vous proposez sont nombreuses. Leur foisonnement ne doit toutefois pas en limiter les effets ; peut-être faut-il désormais s’attacher à mieux les articuler.

L’initiative TREMPLIN (TRansport EMploi INnovation) que vous portez avec le soutien de l’AFT, en partenariat avec Pôle emploi, s’inscrit pleinement dans cette dynamique nécessaire. A partir d’un vivier de candidatures potentielles, l’initiative vise à promouvoir la richesse et la diversité des métiers du transport et de la logistique. TREMPLIN bénéficie du soutien des pouvoirs publics. L’organisation en février dernier, sous le patronage de l’État, du Forum emploi transport, en est une illustration.

Le premier bilan est encore en demi-teinte. Sans doute faut-il examiner ensemble comment aller un cran plus loin et mettre en œuvre d’un plan d’action plus globale. Je m’engage à vos côtés pour l’emploi et des carrières toujours plus attractives dans les transports routiers et la logistique. C’est le sens de la réunion qui a été organisée le 4 octobre dernier et présidée par mon directeur de cabinet et celui de la ministre du travail.

Je suivrai attentivement la mise en œuvre des mesures discutées : je pense notamment à la délivrance des titres et la formation.

Au cours de la réunion, l’accent a été mis sur la nécessité que vos entreprises transmettent davantage leurs offres d’emploi à Pôle Emploi.

Si, en effet 86% des offres proposées par Pôle Emploi trouvent preneurs, seulement 1/3 des offres lui sont transmises. Il y a là une marge de progression incontestable.

L’attractivité passe, aussi, par la reconnaissance dans le droit du travail des spécificités du secteur. C’est pourquoi les termes de l’accord routier d’octobre 2017 seront bien intégrés dans la loi d’orientation des mobilités.

Je ne cesse de rappeler que le transport a une valeur. Il est important à cet égard que les négociations sur les instances de dialogue au sein de la branche (C2PNI) et sur les classifications / rémunérations se concluent rapidement.

Cette richesse que le Gouvernement s’attache à défendre, elle repose d’abord sur les femmes et les hommes qui font vivre votre branche d’activité et avec qui j’ai à cœur d’échanger lors de mes déplacements

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Je suis sensible à la qualité du dialogue que nous entretenons et je suis confiante dans notre capacité à relever ensemble les nombreux défis qui nous attendent : défis européens, défis environnementaux, défis sociaux, défis de compétitivité….

Je ne saurais conclure mon propos sans saluer la capacité de votre organisation à soutenir ses adhérents. Votre mobilisation au service des entreprises de transport routier est sans faille, je le sais.

L’Etat vous accompagne ! C’est ensemble que nous construirons la mobilité, les transports et la logistique de demain, c’est ensemble que nous trouverons « des nouveaux souffles » !

Je vous remercie.

 

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