Examen à l’Assemblée nationale du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire - Intervention d’Elisabeth BORNE

Le Lundi 9 avril 2018

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Madame la Présidente,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,

En ouvrant ce débat, je veux partager avec vous la gravité et l’esprit de responsabilité qui m’animent. Notre tâche commune est d’examiner un projet de loi qui vise ni plus ni moins à faire entrer notre système ferroviaire dans une ère nouvelle.

Ce débat, vous l’attendiez, je l’attendais avec impatience. Je suis convaincue que nous allons parvenir, dans les prochaines heures et tout au long de l’examen de ce texte, à partager son esprit, à l’enrichir, à en dégager du consensus et une vision dont l’écho retentira bien au-delà de cet hémicycle.

Oui, beaucoup le disent et ils ont raison : « La SNCF appartient à la Nation » ; c’est pourquoi je me réjouis de débattre aujourd’hui de la SNCF, de ses atouts, de ses faiblesses, de son avenir, pour lequel nous nourrissons, tous, les plus hautes ambitions.

L’histoire de la SNCF est glorieuse et occupe une place particulière dans l’imaginaire collectif : des trains des premiers congés payés et des colonies de vacances aux performances de la grande vitesse. Tout le monde a en soi un souvenir ferroviaire, attaché à son enfance ou sa vie intime : pour nous tous, le train est un alliage de fascination technique et d’affect. Parce que notre attachement collectif à la SNCF est profond, nos attentes vis-à-vis d’elle sont importantes. Et c’est bien légitime.

Son héritage, après 80 ans d’existence, doit nous rendre optimistes. A condition aujourd’hui de prendre la mesure des enjeux qui sont face à nous et les bonnes décisions, au service d’une seule cause : l’intérêt général.

Si nous proposons à la Nation un nouveau pacte ferroviaire, c’est parce qu’une réforme du rail est impérative, pour donner à ce dernier toute la place, qui doit aujourd’hui être la sienne, en faveur d’une mobilité durable.

Le diagnostic est aussi clair qu’alarmiste :
-    les défaillances techniques se sont multipliées du fait, non pas de l’incompétence de nos ingénieurs, mais d’un entretien insuffisant de notre réseau ;
-    le modèle économique actuel n’est plus soutenable, menacé par un endettement vertigineux ;
-    le fret, quant à lui, recule dangereusement.

Le pacte ferroviaire que nous proposons a pour seul objectif de mieux satisfaire, enfin, les attentes de nos concitoyens, en particulier pour leur transport du quotidien. Améliorer quantitativement et qualitativement l’offre de service public est un défi d’envergure ; mais l’ouverture à la concurrence à laquelle nous avons souscrit nous offre une réelle opportunité pour cela. A nous d’accompagner la SNCF pour qu’elle y prenne toute sa place, au service de nos concitoyens et de nos territoires.  

Avant d’entrer dans le vif de ce pacte, permettez-moi d’opérer ici quelques mises au point.

Non, le gouvernement n’a jamais souhaité « passer en force », bien au contraire. Telle n’est pas notre conception de l’action publique. Le Gouvernement souhaite, depuis le début, conjuguer une double exigence : celle de l’efficacité et du dialogue. Car il ne peut y avoir d’efficacité sans dialogue.

Ce dialogue a débuté avec les Assises nationales de la mobilité, lancées l’été dernier, dans le prolongement du discours du Président de la République à Rennes.

Il s’est poursuivi de façon étroite avec toutes les parties prenantes – Régions et collectivités, SNCF, partenaires sociaux, représentants des usagers, associations environnementales – depuis la préparation jusqu’à la remise du Rapport Spinetta.

Je continue moi-même à recevoir tous les acteurs de cette réforme ferroviaire, et notamment les partenaires sociaux, en conservant la même position d’ouverture et d’écoute qu’au cours des 45 réunions organisées depuis le mois de mars.
Tous les points de vue sont légitimes et je veux croire que nous saurons trouver ensemble une solution d’intérêt général.

En donnant sa place au dialogue, le Gouvernement a également souhaité s’engager dans un débat de fond au Parlement.

Le Premier ministre a clairement présenté notre méthode le 26 février dernier : chaque fois qu’un élément de discussion sera suffisamment avancé, les dispositions correspondantes seront introduites dans la loi par voie d’amendement à la place des ordonnances, comme j’ai déjà tenu à le faire dès l’examen en Commission.

Je sais pourtant qu’aujourd’hui la grève se poursuit.

Je sais combien celle-ci est source de difficultés pour nos concitoyens, dans leurs déplacements quotidiens.

Je pense aussi aux conséquences sur notre activité de fret ferroviaire, de nouveau affaiblie par les perturbations présentes et annoncées.

Je ne veux pas non plus que ce mouvement installe de fossé entre les cheminots et les usagers de la SNCF.

Si j’entends les questions voire les inquiétudes qui s’expriment, je pense toutefois qu’il est impératif de mener un dialogue sincère et constructif, délesté des fantasmes et des contre-vérités qui le polluent.

Cette réforme, nous ne la menons pas contre les cheminots.

Nous la menons pour les Français et nous la ferons avec la SNCF et les cheminots.  

Cette réforme n’est pas une remise en cause de leur statut.

Celles et ceux qui en bénéficient, aujourd’hui, continueront d’en bénéficier demain : personne n’entend renier ce contrat moral passé avec les cheminots, dont l’attachement au service public parle à tous.

Et notamment à moi, qui ai été, pendant plusieurs années, leur collègue.

Je sais leur savoir-faire et leur engagement. Je sais que certains sont cheminots de père en fils et que ces parcours sont synonymes de fierté professionnelle et sociale.

Je veux le dire avec force, une force qui m’aidera – je l’espère - à être entendue par tous, dans cet hémicycle et au-delà, nombre de motifs avancés aujourd’hui pour alimenter ce mouvement social reposent sur des inexactitudes.

Cette réforme organiserait la casse du service public ferroviaire. Elle préparerait la privatisation rampante de la SNCF.

Je le dis clairement et fermement : ces deux procès sont faux, rigoureusement faux.

Cette réforme prépare au contraire le renouveau de la SNCF, entreprise publique hier, entreprise publique aujourd’hui, entreprise publique demain.

Mieux, cette réforme n’a qu’un seul but : augmenter et améliorer l’offre de service public.

Grâce à ce pacte, circuleront demain plus de trains, plus fiables, plus modernes, plus confortables, plus ponctuels. Qui peut, dans ces conditions, parler de casse du service public ?

Cette réforme s’accomplit main dans la main avec les régions, et je veux ici confirmer l’engagement de l’Etat, aux côtés de ces dernières, pour concrétiser cette ambition commune.

Qui peut sérieusement parler de désengagement public ?

***

[Un projet : bâtir une société de la mobilité]

Cette réforme doit d’ailleurs être replacée dans une politique de mobilité plus globale.

Voici une vérité simple qu’il convient de rappeler : la mobilité est, depuis toujours, historiquement liée au développement et au progrès.

Il n’est pas de démocratie sans mouvement, pas de prospérité sans échange, pas de culture sans ouverture.

La mobilité, plus que jamais, demeure la meilleure réponse au risque croissant de repli sur soi. A condition de mettre la mobilité physique au service de la mobilité sociale et professionnelle.

Car tous nos concitoyens ne sont pas égaux face cette mobilité. Cette réalité nous oblige.

C’est pourquoi, je présenterai prochainement un projet de loi qui fixera un cadre clair afin de consolider cette société de la mobilité et faire que cette dernière s’incarne bien en actions et en objectifs concrets.

C’est toute l’ambition des Assises nationales de la Mobilité. Ce large et foisonnant travail de mise en commun a permis d’entendre la voix de plusieurs milliers de personnes – élus, professionnels, syndicats, experts, associations, citoyens -, afin de poser un diagnostic aussi large, rigoureux et consensuel que possible.

Les travaux confiés au Conseil d’Orientation des Infrastructures se sont déroulés dans la même temporalité, sous l’égide de son président Philippe Duron – que je remercie encore de son implication – et avec le concours de représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat, que je salue également. Ce processus de concertation et de co-construction a constitué la méthode la plus féconde pour bâtir du commun et faire la clarté sur les enjeux qui s’imposent à nous.

J’ai la conviction que, pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, notre responsabilité est de satisfaire une triple exigence :

-    Une exigence d’efficacité d’abord

Si notre système de transports est globalement de qualité, il est aujourd’hui dangereusement menacé de vieillissement. Lors de mes nombreux déplacements, j’entends la résignation, parfois teintée de désespoir, de ces élus locaux qui réclament la mise à niveau de leurs infrastructures du quotidien, promise et sans cesse repoussée.

-    La deuxième exigence est une exigence de justice sociale

Dans de nombreux territoires ruraux et périurbains fragilisés, la possession d’une voiture individuelle constitue souvent la seule solution. L’absence de mode de déplacement alternatif devient alors un véritable frein - à l’éducation d’abord, à l’emploi ensuite.

Donner à chacun la possibilité de se déplacer, c’est l’aider à conquérir son autonomie et contribuer à façonner une société plus émancipatrice. Qui peut nier, dans cette situation, la pertinence d’un grand service public ferroviaire, vecteur de cohésion sociale et territoriale ?

-    Enfin, troisième et dernière exigence, mais non des moindres, c’est l’exigence environnementale

A l’heure de l’urgence climatique et des alertes pollutions récurrentes, il est temps d’accélérer la transition vers une mobilité durable. Qui peut contester, dans cette situation, la pertinence du rail comme réponse au défi climatique ?

Tenir les engagements de l’Accord de Paris, c’est mettre le train au cœur de cette société de mobilité, en facilitant son usage par nos concitoyens dès que c’est le plus judicieux, comme l’a fortement rappelé Nicolas Hulot.

Plus que jamais, pour appréhender cette triple exigence, la réponse sera l’innovation. Aujourd’hui, une nouvelle révolution prend forme : celle du numérique, de l’intelligence artificielle et des véhicules autonomes.

Ces innovations ne sont pas des menaces pour le ferroviaire, elles sont même des atouts : je pense ici aux progrès liés à l’information et la billettique multimodale, aux nouveaux systèmes de signalisation qui permettent d’augmenter très fortement la fréquence des trains de voyageurs, ou aux innovations dans le domaine du fret.

L’avenir consiste à amplifier les logiques d’interconnections, en jouant toujours davantage des complémentarités de la route et du rail.

Dans ces conditions, à nous de réinventer le ferroviaire du 21ème siècle.

***

[Un diagnostic : un modèle ferroviaire à bout de souffle]

Pour cela, il nous revient de partir d’un diagnostic lucide et complet.

Au prix d’un effort collectif considérable, accéléré depuis les années 60, la France s’est dotée d’un remarquable réseau de voies rapides, routières et ferroviaires, qui ont permis de parachever l’unification du territoire national et de faire de la France l’un des carrefours de l’Europe.

Cette priorité donnée pendant 30 ans au réseau ferroviaire à grande vitesse, il faut revendiquer ses succès : ce réseau, voulu par la puissance publique, a été un ressort essentiel de notre dynamisme économique.

Qui peut nier que le TGV a accompagné le renouveau de nos grandes capitales régionales et l’essor de notre activité touristique ?

Le développement de la grande vitesse est une incontestable réussite technique et commerciale, comme l’ont encore illustré les chiffres du trafic pour 2017.

Mais sachons également regarder la réalité en face.

Cette politique a coûté cher, très cher. Pire, nous l’avons financé à crédit, au prix d’un endettement qui s’est emballé dans la dernière décennie.

Le TGV a été la fierté de la SNCF ; la dette accumulée, notamment pour assurer le financement de celui-ci, est devenue son boulet.

Sans pour autant lui permettre de faire face à toutes ses responsabilités. Car cette politique en faveur de la grande vitesse s’est faite au détriment des transports du quotidien. Quel est donc désormais l’enjeu ?

Que la SNCF soit demain, pour ces trains du quotidien, le fleuron qu’elle est aujourd’hui pour la grande vitesse.

Le défi est tout à la fois quantitatif et qualitatif.  Notre système ferroviaire fait circuler chaque jour 11.000 trains et 4 millions de personnes.

Et, nous le savons, la demande de mobilité des biens et des personnes va continuer à s’accroître dans les prochaines années.

C’est un défi d’envergure. Car cette demande de mobilité, dans nos grandes agglomérations notamment, augmente à un rythme très supérieur à la capacité de nos infrastructures.

Le premier défi est donc quantitatif.

Mais il est également qualitatif : les seuls retards sur le trafic de nos TER et RER sont aujourd’hui 2 fois plus importants qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas.

Augmenter et améliorer l’offre de transports quotidiens : il n’est plus question de choisir entre l’une ou l’autre de ces options mais bien de les embrasser toutes les deux.

Quant à la baisse constante du fret, elle doit aussi nous mobiliser.

Le nécessaire rééquilibrage entre les modes routier et ferroviaire se traduit notamment dans la volonté du gouvernement de rétablir une concurrence loyale et de mener une lutte déterminée contre le dumping social dans le transport routier de marchandises.

Enfin, le gouvernement a énoncé une politique en matière de logistique articulée autour des industries et des grandes plateformes portuaires, desservies par le ferroviaire et le fluvial, avec à la clé d’importants investissements dans les ports.

Le fret ferroviaire et combiné doit s’engager dans cette renaissance, qui nécessitera de nouvelles organisations pour renouer avec la performance.

***

[Une opportunité : l’ouverture à la concurrence]

Cette réforme est donc indispensable et elle est urgente car elle doit autant nous préparer à l’ouverture à la concurrence que nous permettre d’en tirer collectivement le plus large bénéfice.

Contrairement à ce que j’entends, cette ouverture à la concurrence n’est pas une injonction bruxelloise : elle constitue un choix délibéré pour améliorer notre offre de service, en maintenant une exigence d’un haut niveau de sécurité.

De nouveaux entrants sur le marché ferroviaire permettront de renouveler le service et les offres.

cette ouverture sera, pour la SNCF elle-même, un aiguillon stimulant, qu’elle doit appréhender avec confiance et détermination.

C’est pour cette raison que les Régions la réclament ardemment. C’est aussi pour cette raison que la France en a pris l’engagement et a joué un rôle moteur pour que ses partenaires européens fassent de même.

J’oserais donc dire à la plupart d’entre vous sur les bancs de cette assemblée : cette réforme nous l’avons tous, ou presque, voulue et elle correspond à une décision prise lors du précédent quinquennat.

Eh oui, la politique est aussi parfois affaire de continuité…

Mais posons clairement le débat.

L’ouverture à la concurrence, malgré la confusion que certains cherchent à entretenir, n’est définitivement pas la privatisation.

Ne mélangeons pas tout !

Elle signe la fin d’un monopole sans rien retirer des prérogatives de la puissance publique pour définir le service rendu.

C’est aussi cela le « service public à la française ».
 
Rassurons-nous, donc. Et réjouissons-nous aussi.

L’ouverture à la concurrence, la plupart de nos voisins l’ont déjà faite et tous en ont tiré de nets bénéfices.

On nous renvoie systématiquement le cas de l’Angleterre en exemple pour discréditer notre démarche. Mais je le redis ici : l’Angleterre a fait des choix très différents des nôtres depuis très longtemps : elle n’est donc pas notre modèle.

Je vous invite en revanche à observer ce que nos voisins allemands, suédois ou italiens, pour ne citer qu’eux, ont retiré de la mise en concurrence de leurs systèmes ferroviaires.

La baisse des coûts y a été comprise entre 20 et 25%, transformée en une augmentation de l’offre, c’est-à-dire du nombre de trains, de 20% environ.

Le trafic lui-même a augmenté, de près de 50%, en Allemagne, par exemple, depuis 1996.

Quant aux prix, ils ont baissé significativement alors même que la qualité de service s’en trouvait améliorée.

D’ailleurs, constatons-le : dans ces pays, la fin du monopole n’a pas entrainé la fragilisation des grands opérateurs nationaux. Au contraire, ils en sont sortis dynamisés et grandis par ces nouveaux venus qui les ont poussés à faire plus et mieux.

Mais je l’ai dit et annoncé à nos interlocuteurs syndicaux, cette ouverture à la concurrence, je veux nous y préparer.

C’est pourquoi je la veux d’abord progressive, conformément à la volonté exprimée par les régions. Elle s’échelonnera donc entre 2019 et 2023, en fonction des décisions prises régionalement.

Et je la veux également protectrice, pour qu’elle ne se fasse pas au détriment de la SNCF, en général, et des cheminots, en particulier. Bien au contraire, je veux que la SNCF soit prête à se confronter à ses concurrents et que les cheminots emportent avec eux l’essentiel des garanties sociales attachées à leur statut.

Nous aurions pu nous contenter de faire cette ouverture à la concurrence sans autre forme d’action.

Agir ainsi eut été synonyme d’affaiblissement de la SNCF et de menace pour les cheminots.

Tout au contraire, c’est un vrai pacte, durable, que nous entendons passer entre l’Etat, la SNCF et ses agents.

***

 [Une ambition : le pacte ferroviaire]

Le premier acteur de ce pacte ferroviaire, c’est donc l’Etat, qui ne se contente pas d’afficher de belles intentions.

L’engagement de ce dernier n’a rien de virtuel et tient en un chiffre : 36Md€ pour les 10 prochaines années.

Soit 10M€ par jour. Soit une augmentation de 50% par rapport à la décennie écoulée.

Jamais, je dis bien jamais dans l’histoire, nous n’aurons consenti effort aussi soutenu.

Ce geste aura une traduction concrète en permettant de rattraper en 10 ans le sous-investissement passé.

Plus d’investissement, c’est moins de problèmes techniques, plus de régularité et de sécurité pour les trains et davantage de sérénité pour les voyageurs.

Oui mais, dit-on, l’Etat préparerait la fermeture des « petites lignes », de cette partie du réseau la moins fréquentée par nos concitoyens.

Je l’ai dit 100 fois et le redirai 100 fois, voire même davantage si nécessaire : il n’y a pas de « petites » lignes.

Il y a un réseau public, et un service public, dont la raison d’être est de faciliter la mobilité de nos concitoyens, où qu’ils se trouvent. L’aménagement du territoire repose naturellement sur ce réseau, pour lutter contre l’enclavement et le sentiment déclassement qui en découle.

C’est pourquoi, l’Etat accompagnera les régions dans leurs ambitions pour maintenir le lien ferroviaire partout où il est un vecteur essentiel de lien social, en particulier dans les territoires ruraux.

Là encore, l’Etat joint l’acte à la parole donnée, avec un financement conjoint de 1,5Md€.

Enfin, le gouvernement a déjà annoncé que l’Etat prendrait toutes ses responsabilités, d’ici la fin du quinquennat, pour soulager la SNCF du boulet de sa dette, dont les intérêts la privent chaque année de 1,5Md€ de ressources.

Pour instruire les données d’un problème à 50Md€, alors que l’Etat doit œuvrer à son propre désendettement, nous travaillons d’arrache-pied aujourd’hui avec la SNCF afin nous assurer que cette dette ne pourra pas se reconstituer demain.

Les modalités seront fixées prochainement. Nous disons ce que nous ferons et nous ferons ce que nous avons dit.

Sur de telles bases, le pacte ferroviaire que nous proposons à la Nation constituera un carré gagnant : pour la SNCF d’abord, pour les cheminots ensuite, pour les contribuables, mais enfin et surtout, pour les usagers.

Ce pacte vise ainsi à bâtir une nouvelle SNCF. Nos concitoyens l’ignorent bien souvent mais il y a aujourd’hui en réalité 3 SNCF, 3 établissements aux objets distincts et dont l’articulation crée du cloisonnement et de l’inefficacité.

La réforme de 2014 a permis une avancée pour l’organisation de l’entreprise, notamment en réunifiant la gestion de l’infrastructure. Mais, elle a laissé bien des problèmes sans réponse. La gestion des gares en fournit une claire illustration, comme l’ont souligné les rapporteurs Savary et Pancher.

Une nouvelle étape est par conséquent nécessaire.

Les 3 établissements vont donc se fondre dans une seule et même Société nationale à capitaux publics, constituant ainsi un groupe industriel pleinement intégré.

La loi prévoira que les titres de ce dernier sont intégralement détenus par l’Etat et sont incessibles.

Je rappelle qu’il s’agit de revenir au statut dont la SNCF a bénéficié pendant 45 ans, de sa création en 1937 jusqu’en 1983.

Il ne m’a pas semblé que le gouvernement du Front Populaire avait fait ce choix pour préparer une privatisation puisqu’il s’agissait alors, au contraire, d’une nationalisation…

Certains procès prêteraient donc presque à sourire.

Ce changement de statut et d’organisation doit être synonyme d’une plus grande responsabilisation de l’entreprise et de ses dirigeants.

Nous comptons pleinement sur ces derniers pour enclencher cette révolution organisationnelle et managériale qui doit illustrer la capacité du service public à se moderniser au bénéfice de ses usagers.

Mais nous souhaitons également que les cheminots eux-mêmes tirent bénéfice de cette évolution.

D’abord parce que les gains attendus d’une telle réorganisation faciliteront leur travail.

Ensuite parce que nous entendons que soit honoré le contrat moral passé entre la SNCF et ses agents quant au statut de ces derniers. Les cheminots en poste conserveront leur statut ; et ceux qui évolueront au sein de la branche bénéficieront de l’essentiel de leurs droits.

Vis-à-vis des nouveaux embauchés, je veux ici faire valoir un principe d’équité et de cohérence, qui aboutira à la conclusion d’une convention collective de haut niveau.

C’est-à-dire un socle de droits communs, dont bénéficieront demain tous les agents du secteur, en contrepartie des contraintes spécifiques des métiers ferroviaires.

Du point de vue du contribuable enfin, c’est la garantie que le l’ensemble des acteurs seront soumis à une totale discipline financière ; la réforme crée donc une barrière au ré-endettement.

Les impôts des Français ne peuvent être régulièrement mobilisés pour absorber un endettement qui se reconstituerait.

Et l’usager pourra enfin voir son attente satisfaite : celle d’une offre de service public augmentée en qualité et en quantité.

Avec de nouvelles offres de service mais les mêmes tarifs sociaux qu’aujourd’hui.

Notre réforme ne vise pas à faire des économies sur le dos du service public ferroviaire, au contraire ! Elle vise simplement à ce que chaque euro dépensé le soit de façon juste, efficace et durable.

***

Mesdames et Messieurs les Députés, je voudrais conclure d’un mot.

Oui, le pacte ferroviaire que nous vous soumettons se veut un élément structurant d’un pacte social renouvelé et renforcé.

Par sa capacité à désengorger les métropoles, à relier rapidement des territoires entre eux, par sa contribution indéniable au défi climatique, le système ferroviaire doit constituer l’épine dorsale des mobilités durables du quotidien. Enfin !

Et je veux réaffirmer notre ambition, avec un mélange de gravité et d’enthousiasme : accompagner la SNCF dans le 21ème siècle, c’est pour moi la conforter dans son rôle fondateur au service de l’aménagement durable du territoire.

Parce qu’il n’y aura pas de ferroviaire fort sans SNCF forte, celle-ci doit réinventer sa propre modernité. Ce faisant elle saura se montrer à la hauteur des attentes et besoins de nos concitoyens.

Avec l’engagement des cheminots, elle saura démontrer la performance de la gestion publique et la pertinence d’un mode de déplacement, déjà vieux de deux siècles mais résolument tourné vers l’avenir. La SNCF a été et demeure une belle entreprise : pour le rester, elle doit désormais écrire une nouvelle page de sa belle histoire.

Soyons conscients de notre passé, de nos atouts présents et ayant confiance en notre avenir.

Et allons-y ensemble.

Je vous remercie.

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Seul le prononcé fait foi

 

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