Impacts du changement climatique : Agriculture et Forêt

Le Mardi 4 octobre 2022

Afin de décrire l'état du climat et ses impacts sur l'ensemble du territoire français, l’ONERC (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique) s’est doté d’indicateurs. Un indicateur est une information, associée à un phénomène, permettant d’en indiquer l’évolution dans le temps, de façon objective, et pouvant rendre compte des raisons de cette évolution. Dans cette fiche, les indicateurs s'intéressent à l'agriculture et la forêt.

-18 jours En moyenne, les vendanges ont lieu 18 jours plus tôt qu'il y a 40 ans

Date des vendanges pour un panel de vignobles français

Date des vendanges pour un panel de vignoles et régions en France
Crédits : Inter-Rhône - ENITA Bordeaux - INRA Colmar - Comité interprofessionnel du vin de Champagne

L'avancée des dates de vendanges est corrélée essentiellement avec l'évolution de la température et ce de manière quasi linéaire. Une évolution conduisant à une avancée de la date des vendanges est donc un marqueur efficace du réchauffement climatique, et de la réaction de la végétation.

Date de floraison et des vendanges en Champagne

Évolution des dates de floraison et des dates de vendanges en Champagne depuis 1951

 

Facile à comprendre pour le grand public, la date de vendanges est un indicateur pertinent du changement climatique. Bien que moins médiatique, la date de pleine floraison est un indicateur encore plus pertinent, car elle est indépendante de toute action de l’homme.

 

Indicateur d'impact du changement climatique sur les dates de floraison et de vendange en Champagne
Crédits : @CICV

2 Aujourd'hui en Champagne, les vendanges ont lieu en moyenne 2 semaines plus tôt qu'il y a 20 ans

L’évolution des dates de pleine floraison et de vendanges est une illustration régionale de changements manifestes du climat. Depuis 1987, ces deux stades gagnent en précocité. C’est ainsi qu’aujourd’hui, en Champagne, les vendanges ont lieu en moyenne deux semaines plus tôt qu’il y a vingt ans (cf. moyennes décennales). Au cours de cette période, les rendements agronomiques observés entament une baisse sur la dernière dizaine d’année, principalement en lien avec l’âge du vignoble, le dépérissement, mais également, dans une mesure plus modérée, avec l’enherbement des parcelles. Au contraire, la maturité moyenne à la vendange a gagné 0,8 % vol. d’alcool probable, à la faveur d’une maturation décalée sur des journées plus longues, plus chaudes, et probablement grâce à des teneurs en CO2 atmosphérique plus élevées, améliorant l’efficience de la photosynthèse.

Date de Vendanges à Saint-Emilion (Gironde)

Évolution des dates de vendanges à Saint-Emilion (Gironde) depuis 1892


Crédits : INRA Bordeaux Sciences Agro

Les dates de début des vendanges sont corrélées au climat thermique de l’année exprimé en somme de températures moyennes supérieures à 10 °C. Les variations interannuelles des dates de vendanges sont importantes et la température n’est pas la seule variable explicative. Si on trace la date moyenne décennales de début de vendange, on observe que pendant la majorité du XXè siècle les dates des vendanges fluctuent autour du 26 septembre. Une tendance nette et continue à la précocité des vendanges débute vers la fin des années 80 (environ 1988) pour atteindre en moyenne le 15 septembre à partir des années 2010. Ces dates moyennes n’ont jamais été atteintes au cours de la période considérée. Cette précocité fait suite à une période de vendanges relativement tardives entre 1973 et 1988. Même si des périodes de vendanges précoces ont observées au début du XXè siècle autour du 18 septembre, au début des années 1920 et des années 1940 (22 septembre), la précocité des vendanges est de plus en plus observées en 2011 (5 septembre), 2015 (2 septembre), 2017 (5 septembre), 2018 (9 septembre) et 2020 (3 septembre).

Stades de développement de la vigne en Alsace

Stade de développement de la vigne en Alsace (cépage riesling)

Facile à comprendre pour le grand public, la date de vendanges est un indicateur pertinent du changement climatique. Bien que moins médiatique, la date de pleine floraison est un indicateur encore plus pertinent, car elle est indépendante de toute action de l’homme.

Cet indicateur comprend trois stades de développement : le débourrement, la floraison et la véraison. Ils sont relevés sur une parcelle de vigne, variété riesling, située sur le domaine expérimental de l’INRA à Bergheim (68). En 2009, du fait de l’arrachage de la parcelle de Bergheim, le site d’observation a été transféré sur Colmar (68) distant de 17 km.

Le débourrement correspond à la date à laquelle 50 % des bourgeons sont au stade C, pointe verte visible, défini par Baggiolini en 1952.
La floraison est définie ici par la date à laquelle 50 % des fleurs sont ouvertes.

La véraison est le moment où les baies entrent dans la phase finale de maturation. Les baies perdent brutalement leur fermeté, commencent à changer de couleur et à accumuler des sucres tandis que leur acidité diminue. La date de véraison est évaluée ici par la date à laquelle 50 % des baies ont commencé à se ramollir. Ce stade est évalué au toucher et non par un changement de couleur, surtout visible sur les variétés rouges, qui intervient de manière concomitante ou plus tardivement.


Crédits : Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), centre de Colmar

Le graphique présente les différents stades de développement de la vigne en Alsace (cépage Riesling), ainsi que les dates d'ouverture des vendanges. Les points isolés représentent la date de l'année et la courbe la moyenne décennale pour chacun des stades.

Les dates des principaux stades de développement de la vigne en Alsace n’ont pas évolué de manière significative jusqu’au début des années 80. Depuis cette période, les dates de débourrement et de floraison ont avancé d’environ 15 jours, celle de véraison d’environ 23 jours.

Ainsi, les années récentes (2018, 2022 et 2022) ont vu des vendanges très précoces dès le début septembre.

Évolution des dates de début de vendanges en Côtes du Rhône méridionales (appellations Châteauneuf du Pape & Tavel)

Dates de début de vendanges en Côtes du Rhône méridionales


Crédits : Syndicat intercommunal de l’appellation Châteauneuf du pape

Le graphique ci-dessus présente l’évolution des dates de début de vendanges pour l’appellation d’origine contrôlée Tavel sur la période 1951 à 2019 et pour l’appellation d’origine contrôlée Châteauneuf du Pape sur la période 1945 à 2019. Une très nette tendance générale à la baisse est visible sur les courbes de ces indicateurs ; en effet, les dates de début de vendanges fluctuent grossièrement dans la deuxième quinzaine de septembre en début de période et dans la deuxième quinzaine d’août en fin de période. Bien que significative, la décroissance générale est loin d’être régulière : certaines décennies ne présentent pas d’évolution moyenne marquée (années 60, années 2000) et les variations d’une année sur l’autre restent importantes. Ainsi cet indicateur illustre les deux aspects de la variabilité climatique : la fluctuation inter-annuelle et l’évolution du climat à long terme.

Evolution des pratiques agricoles

Évolution annuelle des dates de semis


Crédits : Institut National de la Recherche Agronomique

L’analyse de l’évolution annuelle de la date de début de semis d’une culture dans différentes unités expérimentales montre :

  • une tendance à plus de précocité pour la culture du maïs, principalement marquée à Mirecourt, avec une césure significative à partir de 1980 ;
  • que les dates de début de semis du maïs ne sont pas sensiblement différentes d’une unité expérimentale à l’autre ;
  • que concernant la culture du blé, une évolution est significativement perceptible à Mirecourt (coefficient de détermination R²=0.80), avec une baisse notable pour les décennies 70, et une stabilisation à partir de 1987 autour de la mi-septembre (soit un mois plus tôt qu’en 1970 !) ;
  • que les dates de début de semis du blé sont en revanche sensiblement différentes d’une unité expérimentale à l’autre : un écart de 20 jours supplémentaires séparent les semis de Colmar (climat semi-continal) à ceux de Mirecourt et de 40j supplémentaires pour Auzeville,
  • que de façon générale, la variabilité interannuelle persiste. Les raisons de l’avancée générale de la date de semis au cours des dernières décennies sont susceptibles de trouver plusieurs explications :
  1. une moindre perception du risque de gel de printemps par les pilotes des UE, lors des semis de maïs,
  2. un raccourcissement des cycles physiologiques par une maturité plus précoce en saison (de 3 semaines à 4 semaines et demi en moyenne sur 30 ans respectivement pour le blé et le maïs),
  3. le choix de variétés appropriées au terroir et plus résistantes (sélection génétique : exemple de variétés peu sensibles à la germination sur pied pour le blé ; plus appropriées à des disponibilités en degrés jours plus élevées pour le maïs, etc.). « Ce que le climat ne permet pas, on essaie de le rattraper sur la variété » (UE Colmar) ;
  4. la recherche d’un rendement optimal couplé à une qualité satisfaisante à la récolte « semer précocement des variétés tardives pour une récolte plus précoce en saison » (UE Mirecourt) ;
  5. la modification des systèmes de culture (passage du blé dur au blé tendre ; préférence pour une culture de printemps derrière un maïs ; révision des stratégies de travail du sol, de fertilisation, d’irrigation, etc.) et de spéculation (régression des précédents à blé récoltés tard dans le Sud-Ouest : « des fois, si on ne rentre plus dans le créneau climatique, mieux vaut changer de culture »). La modification des pratiques culturales passe par une bonne connaissance du complexe ‘climat / plante / sol’ ;
  6. l’augmentation des surfaces dans le temps (débuter au plus tôt le chantier de semis à l’échelle de l’exploitation, pour qu’il soit fini avant la date butoire ; libérer du temps après la récolte pour la préparation du suivant) ;
  7. la taille et la performance (plus élevées) du matériel agricole (rapidité du chantier de préparation du sol avant semis et donc semis dans la foulée plus précoce) ;
  8. l’adoption de stratégies de travail du sol (fissuration verticale avec une herse pour permettre un bon enracinement de la culture, un labour avant les semis des céréales d’hiver en remontant la couche humide du sol et permettre une meilleure levée, etc.) et de semis (semer à une juste profondeur, semer plus dense si on prend des risques) permettant de s’affranchir de certaines contraintes climatiques : « Avec les techniques culturales aujourd’hui, on arrive à tamponner la date de semis pour réagir sur le climat » (UE Colmar)

Localisation géographique des 4 unités expérimentales


Crédits : Institut National de la Recherche Agronomique

Caractéristiques des 4 unités expérimentales

INRA   Situations géographiques Cultures Début des Débuts des
UE Région Altitude Longitude Latitude   Séries Climatiques Séries Agronomiques
Mirecourt Lorraine

289

-6,81 53,67 Maïs ensilage, blé, orge, prairies 01/10/72 1969
Colmar Alsace 200 -7,81 53,39 Maïs grain, blé, orge, betterave 01/01/72 1984
Le-Pin Normandie 205 -0,14 54,19 Maïs ensilage, prairies 01/03/73 1976
Auzeville Midi-Pyrénées 150 -1,67 48,39 Maïs grain, blé, tournesol 01/10/70 1977

 

Dates de floraison d’arbres fruitiers

Les floraisons du pommier "Golden Delicious" et du poirier "Williams" ont été retenues pour illustrer cet indicateur. En effet, les données concernant le pommier et le poirier sont les plus nombreuses et représentatives de l’évolution observée pour les autres espèces fruitières cultivées dans les principaux bassins de production français (Domergue et coll., 2004).

Évolution de dates de stades phénologiques de la floraison du pommier et du poirier en France de 1954 à 2013


Crédits : Institut National de la Recherche Agronomique, Science et impact

Établies en plusieurs sites et pour plusieurs espèces et variétés, les séries chronologiques de dates de floraison des arbres fruitiers montrent à la fois des fluctuations inter-annuelles et des tendances temporelles. Les fluctuations annuelles présentent un fort parallélisme d’évolution dans un même site suivant le stade phénologique (ex. F1 et F2 de Golden Delicious à Nîmes ; Figure 1 ) ou entre variétés d’une même espèce.

Les tendances par espèce et par site peuvent donc être révélées en analysant les séries chronologiques les plus longues établies pour un stade et une variété donnés.

À partir de ces longues séries il apparaît que l’époque de floraison des arbres fruitiers s’est caractérisée par une tendance vers plus de précocité pour l’ensemble des stades de floraison des espèces et variétés étudiées. Cette avancée de floraison, observée à l’échelle française, et même européenne, semble s’être réalisée sous forme de rupture à la fin des années 80 en réponse à un fort réchauffement printanier à cette période tant en France qu’en Europe. La cinétique d’avancée du stade de début de floraison du pommier Golden Delicious à Angers (6-7 j en moyenne sur 51 ans) en est une bonne illustration (Figure 1).Cependant depuis le début des années 2000, l’indicateur a également révélé une diversité des réponses phénologiques suivant l’espèce et le site. La figure 1 montre à long terme une différence d’évolution phénologique entre le pommier et le poirier sur le site d’Angers : si un clair maintien de l’avancée de floraison est en effet observable pour le pommier Golden Delicious à Angers, par contre cette avancée apparaît moins évidente pour le poirier Williams sur le même site. De même l’avancée de floraison du pommier à Nîmes, observée à la fin des années 80, n’apparaît plus clairement depuis le début des années 2000 à la suite de floraisons relativement tardives durant cette dernière décennie.

Évolutions reconstituées par modélisation de dates de levée de dormance et de durées de croissance florale post-dormance pour le cultivar de pommier « Golden delicious » en deux sites


Crédits : Institut National de la Recherche Agronomique, Science et impact

Afin de mieux comprendre les variations de l’époque de floraison, chaque date de floraison a été décomposée en deux variables annuelles, l’une étant la date de levée de dormance des bourgeons sous l’effet des basses températures d’automne et d’hiver (besoin en froid) et l’autre étant la durée de croissance post-dormance des ébauches florales jusqu’à la date de floraison sous l’effet de températures élevées hivernales et printanières (besoin en chaleur). La modélisation a été utilisée pour estimer ces deux variables et pour ainsi élaborer des séries chronologiques de dates de levée de dormance et de durée de croissance florale. La figure 2 illustre ces simulations pour analyser la date de début de floraison (date F1) de Golden Delicious à Angers et Nîmes. Exprimées en moyennes mobiles sur 5 ans (similairement à la date F1 observée ; Figure 1), les deux variables ont révélé des tendances opposées sur les deux sites. La durée de croissance florale a présenté une tendance marquée vers des durées plus courtes depuis la fin des années 80 (réduction moyenne de 10-12 j ; Figure 2B) tandis que la date de levée de dormance a présenté une tendance moins intense vers plus de tardiveté jusqu’à la fin des années 90 (Figure 2A). La modélisation suggère en outre un retard moyen de levée de dormance plus important en climat Méditerranéen (7-8 j à Nîmes) qu’en climat océanique (4-5 j à Angers). Ces tendances opposées mais d’intensités variables permettent donc à la fois d’expliquer globalement une avancée de floraison depuis la fin des années 80 ainsi qu’une moindre avancée en climat Méditerranéen (Figure 1).

En définitive, la dualité des impacts du réchauffement climatique sur l’époque de floraison des arbres fruitiers présentant une dormance implique que le seul indicateur « date de floraison observée » ne peut rendre compte du cumul des accroissements de température qui se sont produits de l’automne au printemps depuis la fin des années 80. Il apparaît donc utile et pertinent d’adjoindre à cet indicateur, issu d’observations, des indicateurs simulés d’évolution de la date de levée de dormance et de durée de croissance florale post-dormance. Dans le futur, l’évolution phénologique des arbres fruitiers de climat tempéré devrait donc dépendre à la fois de l’intensité des accroissements de température et de la diversité de ces accroissements suivant les régions et les saisons impliquées (automne à début printemps).

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